Mémorial Terre-Neuvien de Beaumont-Hamel Somme
50°04'24.61''N 2°38'52.18''E

Des cinq monuments commémoratifs érigés en France et en Belgique en hommage aux exploits du 1
er Bataillon du
Newfoundland Regiment,
le plus imposant est le site de trente hectares à Beaumont-Hamel, neuf
kilomètres au nord de la ville d'Albert. Ce site commémore tous les
Terre-Neuviens qui ont pris part à la Première Guerre mondiale,
particulièrement ceux n'ayant pas de tombe connue. Le site a été
officiellement inauguré par le feld-maréchal Earl Haig le 7 juin 1925.
Sur un monticule, entouré de pierres et d'arbustes indigènes de
Terre-Neuve, se dresse le bronze d'un fier caribou, l'emblème du
Newfoundland Regiment. Érigé à proximité de l'abri de l'état-major de la 88
e Brigade, dont faisait partie le 1
er Bataillon du
Newfoundland Regiment, le noble caribou fait face aux anciennes positions ennemies, surplombant les tranchées et le terrain que le bataillon a franchis le 1
er juillet 1916. Sur trois plaques de bronze à la base du monticule sont inscrits les noms des 820 membres du
Royal Newfoundland Regiment, de la
Newfoundland Royal Naval Reserve
et de la marine marchande qui ont donné leur vie au cours de la
Première Guerre mondiale et qui n'ont pas de tombe connue. [Signalons
que plusieurs d'entre eux ont depuis été retrouvés et ensevelis dans des
cimetières de la
Commonwealth War Graves Commission.]
Ouvert le 1
er juillet 2001, le centre d'accueil présente la situation socio-historique de Terre-Neuve au début du XX
e siècle et, grâce à des expositions, des souvenirs et des capsules vidéo, retrace l'histoire du
Royal Newfoundland Regiment
et de certaines de ses personnalités, depuis sa création en 1914
jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Dans une salle
commémorative du centre se trouvent un exemplaire du Livre du Souvenir
de Terre-Neuve et une plaque de bronze énumérant les honneurs de guerre
du
Royal Newfoundland Regiment et rendant hommage aux disparus.
La plaque a été dévoilée en 1961 par l'honorable Joseph Smallwood,
alors premier ministre de Terre-Neuve.
Le site est l'un des rares endroits, en France ou en Belgique, où il
est possible de voir les lignes des tranchées d'un champ de bataille de
la Première Guerre mondiale et le terrain avoisinant. On imagine
facilement les difficultés et les risques liés au fait d'attaquer des
défenses solides et tenues énergiquement sur un tel terrain et à
certains aspects de la vie dans les tranchées. Des étudiants canadiens
offrent des visites guidées ou expliquent des aspects particuliers du
champ de bataille et de l'engagement de Terre-Neuve. Il est recommandé
aux groupes importants qui souhaitent faire une visite guidée de
réserver à l'avance.
Beaumont-Hamel est situé près de l'extrémité nord du front de
quarante-cinq kilomètres auquel les Français et les Britanniques
devaient donner l'assaut. D'abord annoncée pour le 29 juin 1916, après
un bombardement d'artillerie sans précédent de cinq jours, l'attaque a
été reportée de deux jours, soit au 1
er juillet 1916, d'une part à cause du mauvais temps et d'autre part pour mieux préparer l'artillerie.
À Beaumont-Hamel, la
29th British Division, avec ses trois brigades d'infanterie, la 86
e, la 87
e et la 88
e, était aux prises avec des défenses particulièrement redoutables, tenues de pied ferme par les troupes expérimentées du
119th (Reserve) Infantry Regiment [soit une partie de la 26
e
Division de Wurttemberg (de réserve)], qui composaient cette partie de
la ligne depuis près de vingt mois. On s'attendait néanmoins, avec une
certaine assurance, à ce que le bombardement d'artillerie entame
considérablement les défenses et le moral des Allemands. En réalité,
bien que les tranchées aient subi des ravages considérables, en de
nombreux endroits, le fil barbelé était demeuré relativement intact.
Plus particulièrement, les défenseurs, à couvert dans de profonds abris,
étaient en grande partie indemnes.
Selon le plan de bataille, les quatre bataillons des 86
e et 87
e
Brigades chargés de l'assaut initial s'avançaient vers les barbelés
allemands à 7 h 30 - l'heure déterminée. De concert avec l'avance de
l'infanterie, le bombardement d'artillerie lourde et moyenne devait
porter contre d'autres cibles pour ne retenir qu'un tir de shrapnel et
de mortier sur les positions avant de l'ennemi. Donc, comme l'infanterie
d'assaut sortait de ses tranchées pour parvenir au fil allemand avant
que les Allemands donnent l'assaut, une puissante mine ayant une charge
de 18 500 kg a explosé à 7 h 20 sous une place forte allemande sur la
crête Hawthorn (juste au nord du ravin en Y).
Le but était de détruire une importante place forte ennemie, de saisir
la bordure du cratère et de dominer les tranchées ennemies. Toutefois,
la riposte allemande a été tellement vive que les troupes du 2
e Régiment de fusiliers de la 86
e Brigade, désignées pour prendre le cratère, ont été contraintes de défendre leur vie, incapables d'assurer le soutien prévu.
Malheureusement, la mise à feu de la mine a averti les Allemands de
l'imminence probable de l'attaque, de sorte que les troupes du
119th (Reserve) Infantry Regiment,
sortant de leurs abris, se sont déployées dans la ligne de feu, à peine
gênées par le barrage au shrapnel de l'artillerie de campagne. Les
bataillons qui s'avançaient pour donner l'assaut, et qui étaient à peine
engagés en terrain neutre, ont subi les tirs d'armes légères bien
ciblés des carabiniers et des mitrailleurs. En même temps, l'artillerie
allemande, ayant relativement échappé au contre-feu en batterie des
Britanniques, a dirigé un barrage intensif vers les troupes qui
avançaient ainsi que vers les lignes et les communications britanniques.
Conjuguée à la dévastation en terrain neutre, cette attaque a eu pour
effet de frapper les bataillons suivants, de créer des ravages dans les
tranchées et de quasi paralyser les déplacements dans les tranchées des
communications. Pour les bataillons pris dans le
No Man's Land
lorsqu'ils avançaient vers leurs positions prévues pour donner l'assaut,
la situation s'est aggravée à 7 h 30 lorsque le barrage au shrapnel a
soulevé 100 verges (90 m) de la ligne allemande pour continuer à
soulever 100 verges aux deux minutes vers les deuxième et troisième
lignes allemandes. Sauf pour le flanc droit, que des éléments du 1
er Inniskillings ont réussi à pénétrer de la 1
re à la 3
e lignes allemandes, l'assaut initial s'est effondré au fil allemand ou à proximité.
Le plan prévoyait que la seconde vague de l'attaque (les deux autres bataillons de chaque brigade d'assaut) s'éloignerait de la ligne avant britannique à 7 h 30 lorsque les bataillons d'assaut atteindraient le fil allemand. Sur le flanc gauche, ceux de la 86
e Brigade ont été retardés par le barrage défensif allemand «
et ce n'est qu'à 7 h 55 qu'ils se sont mis en marche
». Sur le flanc droit, qui comprenait la zone maintenant occupée par le
site commémoratif et une partie du redan Mary juste au sud, selon le
Journal de guerre de la 87
e Brigade : «
Le 1er régiment du King's Own Scottish Borderers (KOSB) et le 1er
Border Regiment sont sortis de leurs tranchées de regroupement vers 7 h
35 et, avançant sous le feu très nourri des mitrailleurs, n'ont pas
réussi à rejoindre les bataillons de tête si ce n'est les sections de
tête du 1er Border Regiment qui se sont rendues jusqu'au fil allemand ».
Au quartier général divisionnaire, le commandant (le major général
Beauvoir de Lisle) et son personnel tentaient de déchiffrer les nombreux
messages confus en provenance des postes d'observation, des avions de
combat et des deux brigades de tête. Selon les indications, des troupes
avaient enfoncé et dépassé la première ligne allemande. Le commandant a donc ordonné à la 88
e Brigade, qui se tenait en réserve, de faire avancer deux bataillons pour soutenir « l'attaque droite ». À 8 h 45, le 1
er Newfoundland et le 1
er
Essex ont reçu l'ordre d'avancer indépendamment l'un de l'autre,
d'occuper la première tranchée ennemie et de dégager vers l'avant
jusqu'à la route de la station (derrière la 3
e ligne de l'ennemi).
Selon le plan initial, les Terre-Neuviens (et le 1
er
Essex) devaient avancer vers 10 h, percer les troupes des brigades ayant
donné l'assaut initial et prendre le troisième objectif «
les tranchées de la troisième ligne ennemie sur la crête de GRANDCOURT ». Mais, selon le récit qu'en fait le Journal de guerre des Terre-Neuviens, voici les instructions qu'ils ont reçu : - «
0845 -Reçu par téléphone ordres d'avancer avec le 1er
Essex Regt et d'occuper la première tranchée ennemie - notre objectif
se situant entre le point 89 et juste au nord du point 60 - et d'avancer
vers la route de la station, déblayant les tranchées ennemies - et de
procéder aussi rapidement que possible. Avons demandé à la Brigade si la
1re tranchée de l'ennemi avait été prise et avons obtenu une
réponse négative : la situation ne s'était pas redressée. Avons demandé
à la Brigade si nous devions passer à l'attaque sans tenir compte du
Essex Regt et on nous a répondu par l'affirmative. »
Les Terre-Neuviens se trouvaient sur St. John's Road, une tranchée
d'appui, 200 mètres derrière la ligne avant britannique et hors de la
vue de l'ennemi. Comme les tranchées de communication étaient jonchées
de cadavres et de blessés et étaient la cible d'un tir d'obus, le chef
du bataillon, le lieutenant-colonel Hadow, a décidé de prendre
immédiatement la formation d'attaque et d'avancer. Sur le flanc droit,
le
Essex Regiment était visible des positions allemandes à
Thiepval de sorte qu'il a été obligé d'avancer dans les tranchées
encombrées; il a pris sa position à 10 h 50 seulement. Les
Terre-Neuviens étaient laissés à eux-mêmes, appuyés seulement par des
tirs au mortier et à la mitrailleuse.
Les Terre-Neuviens ont commencé à avancer à 9 h 15, se déplaçant
selon la formation qu'ils avaient répétée, les compagnies A et B en tête
de lignes de pelotons en une colonne ou en une seule file à intervalles
de quarante pas et de vingt-cinq pas entre les sections, suivies cent
verges plus loin par les compagnies C et D en une formation semblable.
Quand ils ont atteint la ligne d'horizon derrière la première ligne
britannique, ils étaient effectivement les seules troupes à se déplacer
sur le champ de bataille et ils ont subi de plein fouet toute la colère
du
119th (Reserve) Infantry Regiment qui tenait les positions devant ainsi que le feu de l'artillerie allemande.
Nombreux sont ceux qui sont tombés avant de traverser la ligne
britannique. Un plus grand nombre ont été frappés en se frayant un
chemin dans les ouvertures des barbelés britanniques. Faisant preuve
d'un courage exemplaire, les survivants ont repris leurs formations
d'assaut du mieux qu'ils le pouvaient et, «
le menton rentré comme s'ils marchaient dans un blizzard
», ils ont continué jusqu'à la ligne allemande environ 400 mètres plus
loin. À mi-chemin en descendant la pente, un arbre isolé marquait une
zone où le feu ennemi était particulièrement concentré. Une
représentation du squelette tordu de cet arbre appelé « l'arbre du danger » s'élève maintenant à l'endroit où tant d'hommes sont tombés en ce jour tragique de juillet.
À 9 h 45, le lieutenant-colonel Hadow, qui avait assisté à la
destruction d'une bonne partie du bataillon depuis son état-major à Sap
4, a informé le commandant de brigade (basé dans un abri tout près) que
l'offensive avait échoué. De quinze à vingt minutes après avoir quitté
la tranchée de
St. John's Road, environ 85 % de ceux qui s'étaient élancés vers l'avant étaient morts, mourants ou blessés. Un seul autre bataillon (le 10
e West Yorks à Fricourt) a subi de plus lourdes pertes le 1
er
juillet 1916. Toutefois, pour de nombreux hommes, c'était loin d'être
terminé. Des survivants isolés ont continué à charger les Allemands
depuis le
No Man's Land, et environ quarante hommes, sous le commandement d'un certain capitaine G.E. Malcolm du 1
er
KOSB, ont tenté de poursuivre l'attaque, mais ils ont été contenus
juste avant la ligne ennemie. Sur cet incident, le capitaine Malcolm,
qui avait été blessé, a affirmé plus tard : «
Je souhaite féliciter le Newfoundland Regiment pour sa formidable constance en de pénibles circonstances. »
La tragédie n'était pas terminée pour le 1
er Essex. Ces
hommes avaient à peine pris leur position que le commandant
divisionnaire a ordonné de mettre fin aux attaques. Cependant, vu les
nombreuses difficultés auxquelles se heurtaient les communications, ils
n'ont pas reçu le message. Les deux compagnies de tête ont tenté
d'avancer et ont subi environ 250 pertes avant que leur commandant ne
fasse halte.
Seuls quelques blessés gisant dans le
No Man's Land ont pu
tenter de se mettre à l'abri avant la tombée de la nuit, et bon nombre
sont morts là où ils gisaient ou ont par la suite rendu l'âme sous le
tir d'artillerie ou celui des carabiniers ennemis vigilants et des
mitrailleurs
1.
Plusieurs blessés n'ont été récupérés que quatre nuits plus tard.
Entre-temps, les restes du bataillon ainsi que la réserve, qui avait été
retenue, ont continué de tenir une partie de la ligne face aux
contre-attaques allemandes prévues jusqu'à ce qu'on les relève le 6
juillet, subissant d'autres pertes dans l'intervalle, notamment celle de
quatre officiers l'après-midi du 1
er juillet. Lorsque la
force de combat du bataillon a abandonné la ligne le 6 juillet pour
aller se loger à Engelbelmer, elle comptait 168 membres non officiers.
C'est là que, le 7 juillet, le lieutenant O.W. Steele a été blessé par
des tirs d'obus; il est mort le lendemain.
Les Terre-Neuviens ont occupé la ligne de nouveau du 14 au 17
juillet, avec une force alors composée de onze officiers et de 260
carabiniers. Le 27 juillet, avec le reste de la Division, ils ont pris
le train pour aller se loger à Candas, le bataillon comptant alors 554
hommes.
1 Le triangle d'étain brillant que chacun portait au dos a aggravé la situation des hommes gisant dans le
No Man's Land.
Ces marques devaient permettre l'identification par l'avion de liaison
et par le détachement d'observateurs, mais elles signalaient également à
l'ennemi tout mouvement des hommes qui gisaient blessés ou à couvert,
selon ce qu'ils pouvaient trouver.
Les pertes subies le premier jour de la bataille de la Somme
totalisaient 57 470 hommes, et 19 240 ont été fatales. Le 30 juin 1916,
le nombre de rationnaires du
Newfoundland Regiment Battalion
s'élevait à 1 044, tous grades confondus, y compris le personnel
administratif et temporaire. La force de combat réelle comprenait 929
hommes, tous grades confondus, dont vingt-six officiers et 772
sous-officiers et militaires du rang déployés dans les tranchées. Un
autre groupe composé d'un officier et de trente-trois sous-officiers et
militaires du rang était rattaché aux compagnies de tir au mortier et à
la mitrailleuse de la Brigade, tandis que quatorze officiers et
quatre-vingt-trois sous-officiers et militaires du rang étaient retenus
comme réserve et pour exercer des fonctions particulières.
Pour autant que nous le sachions, 22 officiers et 758 sous-officiers
et militaires du rang ont participé directement à l'offensive. De ce
nombre, tous les officiers et un peu moins de 658 sous-officiers et
militaires du rang sont à porter au nombre des pertes, mais les données
exactes ne sont pas disponibles, car les pertes signalées sont celles de
toute la journée. Sur les 780 hommes qui ont poursuivi, seuls 110
environ ont survécu indemnes, dont à peine soixante-huit ont répondu à
l'appel le lendemain. Le 7 juillet, le Journal de guerre du bataillon
précise que le 1
er juillet, les pertes totales subies par le
bataillon étaient de quatorze officiers et de 296 sous-officiers et
militaires du rang tués, décédés des suites de leurs blessures ou
manquants et jugés morts et que 12 officiers et 362 sous-officiers et
militaires du rang étaient blessés pour un total de 684 hommes, tous
grades confondus, sur une force de combat d'environ 929 hommes. Environ
14 blessés ont par la suite succombé à leurs blessures. Voici ce que le
commandant divisionnaire a écrit plus tard au sujet de l'effort des
Terre-Neuviens : «
Ce fut un magnifique exemple de vaillance exercée
et disciplinée, et son offensive a échoué parce que des hommes morts ne
peuvent plus avancer. »
Dans les semaines et les mois qui ont suivi l'attaque, pendant que
les officiers survivants écrivaient des lettres de condoléances aux
familles et aux proches à Terre-Neuve, le bataillon a progressivement
retrouvé sa pleine force de combat. Six semaines plus tard, il a
repoussé une attaque allemande au gaz en Flandre. Par la suite, les
hommes de ce bataillon se sont distingués à l'occasion de nombreux
affrontements : de nouveau sur la Somme en octobre 1916, à Gueudecourt,
en avril 1917 à Monchy-le-Preux au cours de la bataille d'Arras, où ils
ont perdu 485 hommes en un jour, mais ont mis en échec une attaque
allemande contre toute probabilité, puis en novembre 1917 à Masnières -
Marcoing au cours de la bataille de Cambrai, où ils ont tenu bon
héroïquement bien que débordés, enfin à Bailleul où ils ont stoppé
l'avancée allemande en avril 1918. Après une période pendant laquelle
ils ont été tenus à l'écart des opérations et ont servi de garde armée
au quartier général principal à Montreuil, ils ont joint les rangs de la
28
e Brigade de la 9
e Division (écossaise) et ont
de nouveau pris part aux combats à Ledeghem et, plus loin, à l'occasion
des offensives des « cent derniers jours ». C'est au cours de ces
derniers jours de la guerre que le soldat Tommy Ricketts du
Regiment
est devenu le plus jeune soldat de la guerre (il était à quelques mois
de son dix-huitième anniversaire) et qu'il a obtenu la plus haute
distinction de l'Empire pour sa bravoure, la Croix de Victoria.
Les Terre-Neuviens se sont acquis une réputation inégalée comme
bataillon inébranlable sans égard au prix à payer. Ils ne se plaignaient
pas, ils croyaient à leur mission et s'en acquittaient avec courage,
compétence et détermination. En reconnaissance de leur courage et de
leurs exploits exceptionnels, le roi Georges V leur a attribué, au terme
de la bataille de Cambrai, le préfixe « Royal », les renommant ainsi le
Royal Newfoundland Regiment. De toute la guerre, ce fut la
seule fois que cet honneur a été conféré et seulement la troisième fois
dans l'histoire de l'Armée britannique qu'il a été accordé en temps de
guerre. C'était un hommage à la mesure de ces hommes remarquables.
L'estime qu'on témoignait aux Terre-Neuviens se constate à l'occasion
d'un hommage spontané. En octobre 1918, le bataillon a été
temporairement retenu à l'extérieur du hameau belge de Steenbeck. Sur le
flanc droit, un officier à cheval s'est avancé vers eux au galop. Il
s'agissait du brigadier-général Freyberg, V.C. À portée de voix, il
s'est écrié :
« Qui êtes-vous?
« Des Terre-Neuviens » lui a-t-on répondu. »
« Dieu soit loué! Mon flanc gauche est sauf », s'est exclamé le brigadier en faisant pivoter son cheval.
Le
Royal Newfoundland Regiment a été démantelé en 1919.
Toutefois, lorsque Terre-Neuve est entrée dans la Confédération
canadienne en mars 1949, l'Union du Canada a convenu « de subvenir, dans
la province de Terre-Neuve, aux besoins des unités de réserve
compétentes des forces de défense canadiennes, lesquelles comprenaient
le
Newfoundland Regiment ». L'autorité par laquelle le
Regiment
s'est trouvé intégré au tableau d'effectifs et de dotation de l'Armée
canadienne de réserve a été convenue en octobre 1949 et, avant la fin de
l'année, le roi Georges VI a de nouveau approuvé l'attribution du titre
de Royal.
Après juillet 1916, le front de Beaumont-Hamel est demeuré
relativement calme tandis que les grandes batailles de la Somme
faisaient rage au sud. Puis, lors du dernier épisode des batailles de la
Somme, le 13 novembre 1916, alors que s'amorçait la bataille de
l'Ancre, Beaumont-Hamel a subi l'assaut de la
51st Highland Division. En moins d'une journée, tous les objectifs du 1
er juillet de la 29
e
Division avaient été pris ainsi qu'un très grand nombre de prisonniers
allemands, puis les combats se sont déplacés vers l'est sur la crête de
Beaucourt.
Le secteur du lieu commémoratif est alors devenu une zone arrière où
les troupes logeaient dans les anciens abris allemands et où un camp a
été établi à proximité du cimetière du ravin en Y
(qui a également été ouvert au cours de la même période). En mars 1917,
lors de la retraite des Allemands vers la ligne Hindenburg (ou
Siegfried), à environ trente kilomètres de Beaumont-Hamel, les équipes
chargées de récupérer le matériel sur le champ de bataille sont
arrivées, de nombreux abris ont été condamnés et les premiers efforts
ont probablement été faits pour remettre une partie des terres à leur
état agricole initial. Toutefois, en mars 1918, l'offensive allemande
Kaiserschlacht
a été stoppée ici sur les mêmes lignes de bataille qu'auparavant.
Jusqu'à la bataille d'Amiens et à la retraite allemande vers la fin
d'août 1918, les protagonistes se sont affrontés sur le même terrain,
bien que les seules interventions se soient résumées à la conduite
courante d'opérations militaires de première ligne - des raids, des
patrouilles et des manoeuvres d'intimidation de l'artillerie.
Peu après la Première Guerre mondiale, le gouvernement de Terre-Neuve a acquis le terrain sur lequel le 1
er Newfoundland Regiment
avait fait son offensive héroïque. Une bonne part du crédit revient au
lieutenant-colonel Tom Nangle qui, à titre de directeur de
l'enregistrement des tombes et des enquêtes et de représentant de
Terre-Neuve auprès de la
Imperial War Graves Commission, a
négocié l'acquisition du lieu avec quelque 250 propriétaires fonciers
français. À chacun des cinq lieux commémoratifs terre-neuviens en
Europe, il a joué un rôle de premier plan dans la planification et la
surveillance des travaux en vue d'ériger la statue d'un fier caribou,
l'emblème du
Regiment, debout face à l'ancien ennemi, rejetant la tête en arrière en signe de défi.
L'architecte-paysagiste qui a conçu les lieux et qui en a surveillé
la construction est M. R.H.K. Cochius, originaire des Pays-Bas et
habitant St. John's, la capitale de Terre-Neuve. Les caribous sont
l'oeuvre du sculpteur britannique Basil Gotto qui a également exécuté la
statue « Fighting Newfoundlander », dont sir Edward Bowring a fait don à
la population de St. John's.
Le lieu comprend trois cimetières tenus par la
Commonwealth War Graves Commission, soit celui du ravin en Y, le cimetière n
o 2 de la crête Hawthorn et le lieu inhabituel d'inhumation collective du cimetière de Hunter. Près de l'entrée se trouve un monument commémoratif de la
29th British Division. Signalons particulièrement, au-dessus du ravin en Y, le monument commémoratif de la
51st Highland (Scottish) Division. Le terrain dont la commune de Beaumont-Hamel avait d'abord fait don aux anciens combattants de la 51
e
Division a été jugé instable en raison des nombreux abris situés
au-dessous. Le lieutenant-colonel Nangle a donc offert l'emplacement au
sein de ce lieu commémoratif qui surplombe le ravin en Y, le théâtre de
certains des combats les plus acharnés qui ont été livrés le 13 novembre
1916. George Henry Paulin a été le sculpteur choisi. Le sergent-major
Bob Rowan des Glasgow Highlanders (
1/9 Highland Light Infantry)
a servi de modèle pour la magnifique figure qui surmonte le monument
commémoratif. Sur le devant se trouve une plaque portant l'inscription
en gaélique :
La a'Blair s'math n Cairdean. (Le jour de la bataille, les amis sont un réconfort).
La croix de bois celte sur la voie qui mène au monument commémoratif a
d'abord été placée à High Wood pour ensuite être déplacée au lieu de
Terre-Neuve.
Beaumont-Hamel a marqué au fer la conscience collective des
Terre-Neuviens. Après la guerre, au premier anniversaire de la bataille,
ils se sont réunis à Terre-Neuve et avec d'autres en France pour se
remémorer le dévouement et le courage extraordinaires des hommes qui y
sont tombés. Et il en est ainsi depuis. À l'intérieur des limites du
lieu commémoratif, près d'un millier d'hommes ont été tués ou sont morts
en ce seul jour fatidique du début juillet 1916. De ce nombre, de deux à
trois cents sont ensevelis sous le gazon vert et les fleurs sauvages
qui tempèrent l'austérité du lieu, notamment bon nombre des quelque cent
trente Terre-Neuviens ayant pris part à cette offensive décisive et qui
n'ont pas de tombe connue. Ainsi, maintenant comme alors, cet
emplacement demeure un lieu de respect, de réflexion et de pèlerinage.
À l'entrée de ce lieu commémoratif est inscrite dans le bronze une épitaphe composée par John Oxenham :
Source
Photos personnelles willy80
