On ne foule pas le sol d’Ilakaka par hasard. Certes, les malgaches sont
arrivés massivement dans cette ville en 1998, année de la découverte du
plus grand gisement de saphir au monde. Mais lorsqu’on est étranger (vazaha),
à moins d’etre un Bob Denard, c’est un coin mal choisi pour le farniente.
Les guides vous ont prévenu et les policiers bien armés en poste à
chaque bout de la ville derrière des barbelés coupants vous le
rappellent : ici, le meurtre est monnaie courante.
Ilakaka se donne des airs de Mont Saint-Michel, avec son artère
principale fourmillant d’acheteurs et de commerçants ambulants
spécialisés dans la vente d’objets faussement futiles : loupes, lampes
torches en aluminium quand ce n’est pas un lot de pierres probablement
refusées par les intermédiaires locaux.
Pourtant, le lieu n’est pas en odeur de sainteté. Derrière un décor
hollywoodien-carton-pâte-précaire alignant les baraques-planches dans
une poussière crasse sèche, derrière les enseignes aux couleurs vives
qui vénèrent le dieu Saphir, se cache difficilement la misère aigue
d’une population d’ex-agriculteurs, ex-commerçants,
ex-concessionnaires-autos qui aujourd’hui ne sont plus que les acteurs
affamés, les marionnettes abusées d’une vilaine fièvre bleue qui se
voulait ‘ferveur’.
Si t’as de la veine, c’est que tu dois être
en principe à piocher à 7 ou 8 m de profondeur dans les 30 kms²
hébergeant le filon. Tu t’es delesté au préalable de tes derniers billets
pour acheter une carte de travail et maintenant tu mises sur ton courage et
ta résistance pour tenir bon jusqu’à ce que le Dieu Saphir fasse de toi un élu.
Si t’es moins chanceux, c’est que la galerie mal étayée dans laquelle
tu te trouves t’a probablement enseveli : ironie de l’histoire, tu as
creusé ta propre tombe et on fera peu de cas de ta disparition. Dis-toi
bien que le choléra aurait aussi pu se charger de ton funeste destin.
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22°42'14.01"S 45°13'17.83"E